Intervention de notre amie Martine Dochtermann, décédée le 14 aout 2016. Psychiatre, psychanalyste elle présentait un travail fait autour des modelages au colloque d’Euro-psy le Samedi 20 octobre 2012 : Représentation, Psychanalyse, Société. Ce texte a été établi au cours des dernières semaines de sa vie avec l’aide de Ginette Michaud, Annick Rogier, Marie-France Michel Duriez et moi-même.
D’un parasite à la naissance d’un enfant :une belle histoire.
Je vous présente juste une séquence clinique, d’une jeune femme que je recevais depuis déjà longtemps. Je l’avais connue il y a 7 / 8 ans, plus même, peut-être 10 et qui s’est trouvée enceinte. Ça été quelque chose de très compliqué pour elle et je lui ai proposé de faire des modelages, autour de ce travail qui aduré quelques mois, le temps de la grossesse. Et bien elle a accouché il y a un an d’un petit garçon qui va bien, et la mère et le père aussi.
Au départ, c’est donc une jeune femme que j’ai reçue pour une histoire de dysmorphophobie. En fait elles sont trois soeurs triplées. Je les ai d’abord reçues sur un intersecteur où je travaillais et j’en ai réorienté deux et finalement la dernière est venue me voir au cabinet.
C’est cette jeune femme qui venait donc avec des angoisses, dévorée d’angoisses par moment, de panique. Plutôt hypochondriaque, elle souffrait à ce moment-là, se plaignait de dysmorphophobie du pubis. En fait c’est son copain de l’époque, avec qui elle commençait à avoir des relations, qui avait désigné une photo où elles étaient toutes les trois, et avait désigné son pubis en disant ‘‘là c’est pas normal’’. Sauf qu’au lieu de considérer que cette chose était juste une fantaisie de son copain, elle l’avait prise au sérieux. Donc ça c’était passé assez vite.
Ces trois filles triplées sont issues d’une grossesse spontanée, il n’y a pas eu de stimulation pour la fécondation. Trois filles qui se ressemblaient beaucoup, jolies et intelligentes et qui avaient beaucoup de succès dans la commune de banlieue où elles étaient. Et en même temps la grande question de la jeune fille c’était leur relation très fusionnelle à toutes les trois et aussi comment se différencier.
Son adolescence s’était bien passée sauf qu’à l’entrée en 6ème elle avait fait des crises de tachycardie mais qui n’ont pas alerté les parents, instituteurs tous les deux, pour leur dire que ce n’était pas si simple tout ce qui se passait. Ce que je peux encore rajouter c’est qu’elles sont nées triplées prématurées, à 7 mois 4 jours, toutes les trois évidemment, mais elle est celle qui est restée le moins longtemps en néonatalogie et qui est donc rentrée chez elle un mois avant ses sœurs.
Sa grossesse fait ressurgir des questions autour de leur naissance et de la détresse dans laquelle elles ont été. Dans le premier modelage que je vous propose, qui fait après coup de cette naissance, elle souligne bien trois sœurs comme ça, complètement imbriquées les unes dans les autres.Mais au moment de la naissance elles se retrouvent dispersées dans un service de néonatalogie, perfusées etc. et perdant brusquement tout contact les unes avec les autres. Et avec aussi même avec la parole de la mère et du père.
La mère nie le dernier mois de grossesse. Oui ce que je peux aussi ajouter, c’est que cette mère, en apprenant qu’elle est enceinte de trois, a voulu avorter d’abord. Elle a voulu partir en Angleterre. Finalement elle a accepté ses filles. Elle leur a raconté par la suite parce que ces trois filles depuis un moment se mettent à cuisiner leurs parents et entre autre leur mère. La fin de la grossesse a été marquée par une hypertension importante, la mère a été hospitalisée pendant toute la fin de la grossesse, et même a fait un séjour en réanimation, elle était en grande difficulté. Voilà, mais l’accouchement s’est bien passé, et donc les filles sont nées ensuite et sont actuellement toutes les trois avec des parcours divers et sont toutes les trois instits comme leurs parents. Intéressant, voilà.
Et donc là-dessus, elle se retrouve, dans son cheminement pour être en lien avec compagnon, s’installer et avoir un enfant, a été long. Au début il était extrêmement difficile pour elle de pouvoir passer une nuit ou de pouvoir rester avec un compagnon. Aller dans un restau était quelque chose de difficile, elle pouvait être prise de vomissement ou d’instants de panique, passer une nuit en dehors de chez elle était très très compliqué. Petit à petit ceci s’est transformé, et elle a donc pu, difficilement mais elle a pu fonder un couple, et la question de l’enfant se posait bien entendu. A un moment donné son compagnon avait envie d’un enfant, et elle elle voulait bien un enfant, elle est instit de maternelle et extrêmement compétente et attentive dans ce travail. Elle voulait bien avoir un enfant mais elle aurait souhaité ne pas passer par une grossesse.
Un an avant la conception, elle me disait que c’était un acte vraiment très important d’avoir un enfant et qu’après on ne pouvait pas revenir dessus et que c’était très inquiétant à ce niveau-là de le poser et de le mettre en œuvre. D’une part elle se demandait en plus qu’elle allait faire pendant les neuf mois de grossesse et après avec l’enfant, si elle allait être complètement immobilisée etc. Et d’autre part elle disait que c’était presque sacrilège qu’elle elle ait un enfant alors qu’elle avait déjà un compagnon qu’elle venait de s’installer avec lui… Et en plus par rapport à ses deux sœurs qui à ce moment-là n’avaient pas de compagnons et encore moins d’enfants et qui en voulaient aussi, elles n’en n’ont toujours pas. Elle ne s’imaginait pas elle, avoir un enfant, ce serait là comme les trahir, absolument.
Enfin toujours est-il qu’en juillet 2010 elle se retrouve enceinte, elle a arrêté quand même le moyen de contraception qu’elle prenait. Et 48 heures après avoir appris qu’elle est enceinte, elle me téléphone, complètement paniquée en disant que les 48 premières heures ont été très très chouettes mais qu’ensuite elle a été prise d’une panique énorme. Elle ne sait pas ce qu’elle a. Et petit à petit, ça va se formuler comme ça, qu’elle ne peut pas se représenter avoir un enfant, que « ça pourrait être un germe de haricot ou un parasite ». Et d’autre part sa première grande crainte c’est d’avoir des jumeaux, des jumelles, elle souhaite une fille, des jumelles ou des triplées, et que là c’est décidé, si c’est une grossesse multiple à 2 ou à 3 elle avorte.
Donc on va commencer les modelages. On parle beaucoup de tout ça, pendant tout l’été je l’ai régulièrement au téléphone… (Maintenant, après coup, quand je lui ai dit que je présentais le travail qu’on avait fait, elle dit que si elle ne l’avait pas fait, elle se demande si elle aurait pu avoir son enfant, un petit enfant, un petit garçon comme ça).
Donc elle commence, on parle beaucoup et petit à petit l’angoisse se calme un peu mais elle dit quand même que ça a duré finalement sa panique : près de trois mois, c’est-à-dire peut être jusqu’à peut-être la première échographie qui montre en tout cas qu’il n’y a qu’un enfant.
Voilà, la première, la toute première, c’est en rose.
(Là c’est un modelage qui a été fait après-coup, quand elle continue à réfléchir à tout ce qui s’est passé pour elle, et donc elle fait ce modelage là pour montrer comment elles étaient vraiment imbriquées toutes les trois. Et qu’est-ce que c’est d’être séparées a la naissance, les trois dans des couveuses…)
Question : En séance ?
M.D : Oui les modelages ont été fait en séance, la consigne c’était juste que je lui ai proposé de faire des modelages, elle en avait déjà fait. Simplement d’essayer de représenter, de faire un modelage sur ce qui venait, comme ça venait sans apriori.
Celui-ci par contre a été fait chez elle, et elle me l’a apporté en me disant que c’était une représentation qu’elle avait d’être trois dans le ventre de leur mère. Elles sont trois filles, et leur mère est d’une fratrie si on peut dire, de quatre filles. Donc là c’est ce modelage après-coup des trois filles que j’ai apporté parce qu’elle représente bien où elle en est.
Deuxième modelage. Alors celui-ci date de mi-octobre.
Elle a su qu’il n’y avait qu’un seul enfant mais que c’était un garçon. Et le fait que ce soit un garçon relance absolument l’angoisse, c’est à peu près irreprésentable, inimaginable, insupportable. Ça va rester là pendant toute la grossesse, c’est-à-dire que son mari, enfin son compagnon est lui tout à fait ravi qu’elle attende un petit garçon, mais pour elle c’est l’horreur. Et elle va essayer pendant tout son temps de grossesse de faire, ou d’arriver à faire bonne figure et de ne pas montrer complètement à quel point c’est un cauchemar pour elle parce que ça a été à peu près comme ça toute la grossesse.
Troisième modelage. C’est un modelage qu’elle fait en novembre, alors qu’elle est enceinte de juillet.
C’est, comme le montrent les suivants, une espèce d’humanoïde, d’être un peu bizarre, un peu étrange effectivement, qui tient bizarrement mais qui a quand même deux bras, deux jambes placés à peu près dans le bon ordre.
Quatrième modelage. Voilà le suivant qui est de fin décembre, juste avant les fêtes, représente donc un fœtus et un placenta.
A ce moment-là surgit le terme « mon fils », en ajoutant donc qu’elle y est « bien accrochée ». Je retrouvais là qu’elle s’était appuyée pour faire ce modelage, sur un livre de Dolto d’éducation sexuelle et de maternité destiné aux enfants. On voit donc un fœtus avec un placenta, qu’elle représente comme ça : on voit l’image d’un fœtus accolé à un placenta qu’elle représente elle en marron. Alors après y a pleins de question sur l’interprétation des couleurs, là il y a deux couleurs (il y en a plusieurs de celle-là)
Ensuite il y a les fêtes, puis on se retrouve en janvier, et elle ne fait pas tout de suite des modelages, on continue à parler de la grossesse, de ce que c’est que d’attendre un enfant, du phénomène inouï en même temps même si il est d’une grande banalité d’attendre un enfant, de se mettre à porter un enfant. Toute fin janvier, début février, donc on doit être là à sept mois de grossesse, il y a plusieurs séries de modelage, qui lui font faire tout un chemin. Elle va faire en séance trois boules, trois têtes, dont elle dira que ce sont des têtes, éventuellement de l’enfant.
Et après coup elle me dira qu’elle pensait avoir fait des petits lapins, ce qui me fait penser éventuellement à la façon dont les grands-mères parlent de leurs petits enfants en disant « mon petit lapin », ou aussi des petits cochons d’inde.
Il y a cette première, on peut tourner autour, qui est absolument couverte de traces, en tous sens, dont elle ne peut pas dire grand-chose, avec des points qui figurent tout autour de cette boule, de cette tête, où on peut voir de multiples visages.
Et se trouve aussi dans cette pâte à modeler rose, une inclusion noire qu’elle ne va pas supprimer, et qui va figurer là une bouche, dans la suivante une espèce de mèche, et dont on peut dire que c’est une trace de l’étrangeté qui se balade dans la pâte à modeler par exemple.
Là on voit le visage le plus clairement … (rotation de la figure) là vous voyez deux yeux, et une espèce de bouche qui fait aussi un tout petit peu groin, on verra après, et qui en même temps forme un nouveau visage, voilà.
On tourne autour.
Ça c’est la deuxième qui est faite peut-être le lendemain, on s’est vues plusieurs fois par semaine, deux ou trois fois.
Elle vient de banlieue, et moi je suis maintenant installée à Paris. Et elle fait une autre tête et là elle trouve que c’est un animal qu’elle a fait. De fait, cette tête-là présente vraiment une figuration de tête de cochon quand même, indiscutablement. Et là on voit une espèce de face plate comme ça (vu de face, profil) avec cette sorte de mèche comme ça qui se balade, sur laquelle elle ne dit rien mais qu’elle n’enlève pas. Elle aurait pu l’enlever pour que ce soit d’une couleur égale mais elle ne l’enlève pas.
Enfin la troisième, qui est un visage un peu plus construit, mais dont elle continue à dire que ça ressemble peut-être un peu à une tête de petit animal et qui a un visage et des oreilles un peu écarquillées…
Quelques jours après elle vient, elle a eu une échographie où on voit un enfant. Le radiologue a eu la bonne idée de lui dire que tout allait bien mais que le périmètre crânien de l’enfant était à la limite supérieure de la normale. Ce qui évidemment est tout à fait intéressant, refait flamber l’idée que son enfant va être hydrocéphale, est anormal, monstrueux etc.
On le voit, la tête est faite assez grossièrement et rapidement, avec une tête bien triste. Là c’est un visage indiscutablement d’enfant. Après coup, ce que je peux en dire là, c’est qu’on n’en a pas beaucoup parlé, on a parlé de la grossesse de sa mère mais qu’on peut penser que quelque chose de la panique qu’avait été celle de sa mère, attendant ces trois enfants dont elle avait voulu avorter, était peut-être aussi présente dans l’angoisse de cette grossesse.
Quinze jours après, elle vient, je crois qu’elle ne l’a peut-être pas fait en séance, celui-ci, elle vient donc avec ce modelage en disant « là c’est mon enfant ». Et c’est donc, en marron certes, un fœtus représenté d’ailleurs de façon antérieure à là où en serait l’enfant, et là on en serait l’enfant précédent avec sa tête etc. Donc un stade dans lequel on se représente l’idée d’un fœtus, qui va naître, qui va grandir qui est replié sur lui-même.
Ce qu’on peut juste remarquer, c’est que ces deux derniers modelages, enfin même pour le premier orange, il n’y a pas de sexe, et dans celui-ci figure par contre l’anus, qui est assez représenté. Elle n’en a pas fait d’autres après, là on arrivait à sept, huit mois de grossesse, la fin de la grossesse se passe bien, elle se met à ce moment-là à être un peu inquiète de l’accouchement. Mais en fait l’accouchement se passe bien. Elle me dira qu’elle a accouché d’un petit garçon très joli avec des yeux en amande et la bouche bien dessinée. Ça se passe bien, elle allaite. Avec toujours quand même le questionnement de est-ce qu’elle va être une assez bonne mère, comment elle va être avec cet enfant. Maintenant il a un an et demi, c’est un enfant extrêmement vivant, que je n’ai pas vu mais qui va très bien. Elle va bien aussi, elle commence à avoir envie de faire autre chose que d’être instit. Et avant de travailler en maternelle sa première année a été quand même de travailler en SEGPA, ce n’est pas quand même une instit qui ne peut rester que juste dans le maternel.
Alors elle dit par rapport à ces questions du garçon de l’étrangeté etc., alors qu’enfants elles avaient des copains sans aucun problème etc., qu’effectivement, le lien qui s’est construit avec son fils est de qualité, que ça va bien pour ce petit garçon, mais que la question d’attendre un garçon, qui est du masculin n’est pas réglé. C’est elle-même qui dit que cette question-là reste en suspens. Donc je continue de travailler avec elle.
QUESTIONS :
Question : C’est le passage du premier modelage au modelage suivant, et l’histoire de la famille, je me suis posé la question, parce que quand tu as introduit ton exposé tu disais que ces trois sœurs étaient dans une …*même poche* Oui une même poche voilà, et le premier modelage, j’avais l’impression comme ça que c’était une détresse des trois sœurs, et je me suis demandé si dans sa panique elle s’était adressée aux deux autres sœurs ? Parce que justement comme il y avait cette symbiose première, je suis demandé que le fait qu’elle porte elle a son tour un enfant ne portait pas justement atteinte à cette symbiose qui devait justement à mon avis, que j’imagine, qui devait continuer de cette manière sous-jacente ou inconsciente, je ne sais pas très bien comment l’exprimer.
M.D. : Oui oui tout à fait, ses deux sœurs ont été constamment présentes et l’ont beaucoup soutenue. Mais elle était tout le temps dans un questionnement d’avoir quelque chose en même temps que les autres n’avaient pas. Ou de quitter justement cette fusion, qui il a beaucoup plus longtemps était même celle de toute la famille, des trois sœurs mais aussi du père et de la mère, un peu confondus comme ça, et ensuite c’était surtout les trois sœurs qui se distinguaient. Mais elle a toujours était celle qui … Elle a eu le bac en premier, a fait des études en premier, a été instit en premier, eu un compagnon etc. qui est toujours en avance et qui se demande en même temps ce qu’elle enlève aux autres et en même temps les signes, les paniques ou autre les trois sœurs en avaient, et encore récemment, il y en a une qui, après avoir eu un premier ami une fois n’en avait plus eu, mais là du coup elle en a un, avait des effets de panique et de craintes qui lui rappelait les siennes à un moment donné. Comme ça comme une espèce de passage de l’une à l’autre. Mais à ce niveau-là elle parle très peu des réactions de ses sœurs par rapport à son fils ou au fait qu’elle ait un enfant. Le fait qu’elles soient présentes effectivement, mais la question des sœurs, elle est un peu plus distanciée, sur ce que ses sœurs auraient pu fonder. Les sœurs ont toutes les trois actuellement des compagnons.
Question : Des enfants ?
M.D. : Et non elle est toujours la seule à avoir un enfant mais les relations des autres sont très récentes.
Question : On dirait un enfant séparateur
M.D. : Oui tout à fait. Mais qu’il était déjà dans tout le temps avant. C’est elle qui est partie la première de chez ses parents, qui a eu aussi cet appartement prit avec ce compagnon, et qui est dans une question permanente de se différencier et d’avoir sa vie propre, sa façon à elle de penser etc.
Question : Il me semble qu’il y avait trois questions qui traversaient les deux communications que vous nous avez faites, qui sont très passionnantes. La première question ce serait de savoir où en serait l’intrication dans les deux cas. Visuellement il y a des différences entre les deux, entre le récit, parler, raconter, la narration, et puis les figures formelles qu’on vous offre. Ce sont deux modes, quand même, de production différentes, où il y a toute sortes d’articulations qui ne sont pas les mêmes, pour vous et pour eux. Ma deuxième question est la question du cadre justement et du contexte. C’est-à-dire que dans un cas on a l’impression que le contexte est très délimité, en « libéral », dans l’autre cas il y a toute une formation institutionnelle autour et qui va jouer son rôle puisque quand vous parlez de ce qui se passe ailleurs etc. et comment on essaie de faire des raccord pour surmonter les différences institutionnelles normales, tout à fait logiques et respectables on sent qu’on doit aussi faire face à ce contexte institutionnel d’autre part. La mixité entre une relation relativement duelle à une relation multiple ramenée à un deux. Ma troisième question, pour moi la plus importante, parce que j’ai l’impression que vous vous êtes effacées de façon très modeste l’une et l’autre devant cette production-là, comme étant quelque chose qui concernait la personne qui était avec vous, l’enfant ou l’adulte, et qui au fond d’aucune manière ne faisait allusion à ce qui se passait entre ses personnes là et vous-mêmes. J’ai dit à ma voisine tout à l’heure sur l’un des modelages présentés par Mme Dochtermann, je lui disais que ça devenait plus ressemblant à elle, à vous, que tout à coup, ah bah oui ça ressemble. Et de même pour Thérèse Zampaglione, je trouve, elle dit très peu alors que visiblement il se passe beaucoup de choses de son côté, et je me demandais également quelle est la part de votre mise à vous dans la situation, est-ce qu’il n’est pas en train de reformuler, de représenter quelque chose qui n’est pas simplement son corps, ou le corps à venir etc. mais la relation qu’il a avec vous. Et l’oreille dégagée m’a fait plus pensé à la vôtre, l’oreille droite qui est très dégagée. Peut-être qu’il modelait quelque chose qui était de vous, et non pas seulement de lui.
M.D : Oui moi ce que je voulais dire c’est que ce n’est pas la première jeune femme dont j’accompagne la grossesse. Au cabinet il y en a un certain nombre qui viennent enceinte et effectivement je n’ai pas d’enfants moi-même. Je n’ai pas été enceinte, je n’ai pas porté d’enfants. Et donc en particulier avec cette jeune femme que je connais depuis presque bientôt une quinzaine d’année c’était vraiment retravailler, et elle me poussait elle aussi, tout ce que pouvait provoquer une grossesse, tout ce que je pouvais moi-même représenter et lui transmettre pour qu’elle puisse elle se fabriquer. Tous ces modelages ont été accompagnés de beaucoup de paroles pour effectivement se refaire le chemin de se représenter que ce puisse être de porter un enfant, comme je disais c’est un phénomène extrêmement banal mais inouï en même temps. Ça a été tout un travail très intense qui a commencé pendant les vacances de se retrouver enceinte. Je pense qu’elle a sans doute pris le risque de l’être en sachant qu’elle pouvait s’appuyer sur moi ensuite. Sinon elle n’aurait peut-être pas pris ce risque-là d’être enceinte.